III. Cadre théorique et problématique
de la recherche
Nous
rappelons que nous avons adopté la définition de la démonstration donnée par
Balacheff (1988): Il s'agit d'une
suite d'énoncés organisée suivant des règles déterminées: un énoncé est
connu comme étant vrai ou bien est déduit à partir de ceux qui le précèdent
à l'aide d'une règle de déduction prise dans un ensemble de règles bien défini...
Ce qui caractérise les démonstrations comme genre de discours est leur forme
strictement codifiée .
III.1 Cadre théorique
Dans
cette partie, nous présentons les points de vue de certains travaux sur les
notions de Texte mathématique , Dessin et figure ,
Organisation déductive de la démonstration et Heuristique .
Nos lectures sur ces notions nous ont orienté pour introduire quatre pôles,
fondamentaux dans ce travail de recherche, qui nous ont semblé intéressant à
prendre en considération dans létude dune démonstration rédigée par
lélève et que nous désignons par les termes suivants:
la formulation mathématique
le dessin
lexplicitation de la règle de substitution
la structure de lenchaînement de la solution
Ces
quatre pôles seront introduits et définis, progressivement, dans ce cadre théorique.
Nous nous appuierons sur ces pôles dans létude des phénomènes
dapprentissage et denseignement de la démonstration en géométrie, en
Tunisie.
Par
ailleurs, de nombreux concepts de didactique, soutenant cette recherche, tels
que Contrat didactique , Transposition didactique
etc. ne seront pas repris dans le cadre théorique, car nous estimons que les définitions
correspondantes sont suffisamment connues et nont pas besoin dêtre
explicitées (Brousseau, 1986; Chevallard, 1985; Johsua et Dupin, 1993...).
III.1.1 Le texte mathématique
Comme
a pu le remarquer Rasolofoniaina (1983) sinspirant de Glaeser (1976), un
texte mathématique présente deux caractéristiques essentielles:
-
Les énoncés mathématiques y ont un statut différencié et la prise en compte
de ce statut est essentielle pour la compréhension de ce texte.
-
Son contenu informationnel est totalement indépendant du code dans lequel il
est exprimé: ce dernier peut être soit un langage naturel écrit soit un
langage symbolique ou encore un usage mixte des deux.
Notre
recherche sur lenseignement de la démonstration en Tunisie sintéresse à
des textes mathématiques formulés en français qui nest pas la langue
naturelle dans ce pays. De ce fait, une première difficulté des élèves est
liée à la connaissance du lexique français, nécessaire pour aborder
lapprentissage des mathématiques. Dans ce travail de recherche, nous ne nous
intéresserons pas à cette difficulté, bien quelle puisse intervenir dans
la lecture et lécriture des textes de démonstration, cela pouvant faire
lobjet dune perspective de recherche intéressante.
Dautre
part, lutilisation de lécriture symbolique nécessite une connaissance de
son lexique et sa syntaxe. Dans cette écriture, les phrases sont formées par
des combinaisons de lettres et de symboles et la difficulté de les écrire (ou
de les comprendre) peut dépendre de la longueur des combinaisons ou des
conventions implicites utilisées dans ces combinaisons. Par ailleurs, le
langage symbolique est concis et précis et présente une économie non négligeable
du discours de communication (Glaeser, 1977). La syntaxe dans le langage
symbolique nest pas uniquement un simple codage des phrases naturelles avec
des symboles particuliers, mais comme le précise Z. Krygowska (1969): Le
caractère le plus profond de ce langage, cest son style, sa construction de
phrase qui souvent diffère du style du langage commun ainsi que du langage
utilisé dans les autres disciplines enseignées à lécole .
Dans
un texte mathématique, les deux types de langage sont souvent imbriqués et
lune des difficultés contenues dans ce texte est le glissement incessant
dun type de langage à un autre.
Ces
caractéristiques du texte mathématique nous amènent à prendre en compte différents
éléments qui peuvent intervenir dans lécriture dune démonstration par
lélève. Il s'agit de voir si les textes produits par les élèves
correspondent à une rédaction mathématiquement acceptable. Nous introduisons
ainsi le premier pôle dans létude que nous entreprenons sur la démonstration,
la formulation mathématique, pour lequel nous nous proposons détudier cinq
éléments différents, intervenant dans l'écriture d'une démonstration, en
particulier par les élèves. Ces éléments sont retenus parce quils peuvent
représenter des points dachoppement pour ces derniers. Les deux premiers
font lobjet dun enseignement explicite, alors que les trois autres,
concernant l'expression de l'élève pour formuler ses idées, peuvent ne pas être
explicités par lenseignant de mathématiques.
*
La notation mathématique c'est-à-dire la désignation des objets mathématiques
et de leurs relations mutuelles par des lettres et des symboles (écriture
symbolique).
*
Les termes mathématiques c'est-à-dire la désignation des objets mathématiques
et de leurs relations mutuelles par des termes appartenant au champ lexical mathématique.
En
plus de la notation et des termes mathématiques dont lenseignement relève,
normalement, de lunique responsabilité du professeur de mathématiques, nous
nous intéressons à trois autres éléments, intervenant dans la formulation
mathématique, qui peuvent être rencontrés dans lenseignement dautres
disciplines.
*
D'abord, une rédaction comportant des expressions marquant le statut propre de
chaque énoncé (Duval et Egret, 1989), ce qui permet de distinguer les différents
pas de démonstration. Nous estimons quau niveau de la 4ème (3ème française),
lélève ne se trompe pas dans lusage des connecteurs relativement au
statut opératoire[1]
de chaque énoncé. Ainsi, il serait capable de distinguer ceux désignant les
prémisses de ceux consacrés à la conclusion. Cependant, il risque de ne pas
les employer dans une démonstration, cest ce que nous rechercherons..
*
Ensuite, une rédaction uniforme où il n'y a pas de mélange non accepté en
mathématiques entre écriture symbolique et écriture non symbolique, c'est-à-dire
où l'élève respecte les règles d'imbrication de l'écriture symbolique et de
la langue française.
*
Enfin, l'usage adéquat des anaphores (il, elle, celui-là...). Ce point de la
formulation mathématique semble important à étudier dans la mesure où, l'on
constate que, certains élèves, surtout dans les petites classes, désignent
les objets qu'ils utilisent sans préciser leur nom mais en employant des
anaphores, en pensant que le lecteur comprend, de toute évidence, de quoi il
s'agit.
Nous
signalons que nous avons exclu, de notre recherche, létude des éléments
qui relèvent uniquement de la formulation en français (orthographe, emploi des
temps, vocabulaire français non mathématique...), car nous ne visons pas à
rechercher, chez les élèves tunisiens, leur capacité à sexprimer selon
les règles du français.
III.1.2 Le dessin et la figure
Le
modèle géométrique a deux caractéristiques: le recours à l'évidence
sensible (le dessin joue un rôle fondamental dans la manipulation et dans les
évidences sensibles qu'il permet) et la généralité implicite (le procédé
de solution ne dépend pas du choix qu'on fait du dessin). Ces caractéristiques
sont à l'uvre dans lenseignement. Plusieurs travaux en didactique des mathématiques,
sappuyant sur ces deux caractéristiques du modèle géométrique, se sont
consacrées à distinguer entre Dessin et Figure .
Arsac
(1989 a) propose une distinction entre dessin et figure en opposant le
monde sensible et le monde géométrique :
Nous distinguerons dans la suite le dessin et la figure, désignant
par dessin le dessin concrètement tracé sur une feuille de papier (ou dans le
sable pour Archimède) et par figure lobjet mathématique dont le dessin
nest quune représentation... Ainsi, la figure est un élément du monde
mathématique et non du monde sensible . Cette définition correspond au point de vue des géomètres
grecs.
En
se plaçant dans le triangle, référent, signifiant, signifié ,
Laborde et Capponi (1994) proposent une distinction entre dessin et figure:
En tant quentité matérielle sur un support, le dessin peut être
considéré comme un signifiant dun référent théorique (objet dune théorie
géométrique comme celle de la géométrie euclidienne, ou de la géométrie
projective). La figure géométrique consiste en lappariement dun référent
donné à tous ses dessins, elle est alors définie comme lensemble des
couples formés de deux termes, le premier terme étant le référent, le deuxième
terme étant pris dans lunivers de tous les dessins possibles du référent.
Le terme figure géométrique renvoie dans cette acceptation à létablissement
dune relation entre un objet géométrique et ses représentations possibles.
Dans cette approche, les rapports entre un dessin et son référent construits
par un sujet, lecteur ou producteur du dessin, constituent le signifié de la
figure géométrique associé pour ce sujet. Ce signifié correspond à ce que
Fishbein (1993) appelle figural concept .
Ainsi,
du point de vue de la modélisation, il est adéquat de distinguer figure et
dessin: la figure est l'objet euclidien pris comme domaine de réalité tandis
que le dessin est une matérialisation de la figure sur le papier, le sable ou
lécran de lordinateur, un modèle (Laborde, 1994). Ce dernier présente
des règles et des conventions implicites: le tracé est toujours imprécis et
les informations licites que l'on peut tirer du dessin ne sont pas déterminées
par le seul dessin mais par un discours accompagnant le dessin (Duval, 1988).
(Laborde,
1994 p 3)
Cette
description nous semble la plus pertinente pour distinguer entre dessin et
figure car elle considère le dessin comme un modèle dun domaine de réalité,
le référent théorique, ce qui est souvent le cas dans lenseignement de la
géométrie euclidienne plane, à partir de la classe de 3ème (4ème française).
Cest cette définition du dessin que nous adopterons dans ce travail de
recherche.
Les
difficultés des élèves liées à l'interprétation des dessins, en tant que
modèles de figures, concernent la résistance à éliminer les imperfections du
tracé que le mathématicien élimine de façon machinale pour ne travailler que
sur un dessin infiniment précis (Arsac, 1989 a). Au delà des bruits dus à
limprécision du tracé, la figure présente plusieurs aspects dont quelques
uns seulement apparaissent pertinents pour la résolution du problème et sont,
par conséquent, pris en compte et traduits en termes géométriques. Une autre
difficulté consiste en la non reconnaissance de l'invariance de la figure pour
des positions différentes du dessin (phénomènes de typicalité, exemples
prototypiques
). De plus, l'attraction de certains aspects du dessin entrave
une analyse géométrique. Ainsi le passage du dessin à la figure ne va pas de
soi car l'élève reste à une vue très empiriste de la géométrie.
Relativement
au dessin, nous essayerons didentifier, dans l'élaboration dune démonstration
par lélève, les éléments des pas de la démonstration qui trouvent leur
source non dans les théorèmes et définitions mais dans l'appréhension
perceptive du dessin. Ainsi, nous tenterons, à partir de cette étude, d'évaluer
le degré de détachement de l'élève du dessin et sa capacité à élaborer
une justification des résultats conformément à la théorie de la géométrie
euclidienne
III.1.3 Organisation déductive de la démonstration
Dans
la situation traditionnelle denseignement, une démonstration est dabord
un texte qui répond à certaines normes, allant des hypothèses aux
conclusions, énonçant correctement les théorèmes utilisés (Barbin, 1996).
Cette description, reflétant comment sorganise une démonstration,
correspond bien à la définition de la démonstration donnée par Balacheff
(1988), expliquant comment se structure une démonstration et adoptée dans
cette recherche « Il s'agit d'une suite d'énoncés organisée suivant des règles
déterminées: un énoncé est connu comme étant vrai ou bien est déduit à
partir de ceux qui le précèdent à l'aide d'une règle de déduction prise
dans un ensemble de règles bien défini... Ce qui caractérise les démonstrations
comme genre de discours est leur forme strictement codifiée ». Elle
rejoint également la description donnée par Duval et Egret (1989) de la
structure dune organisation déductive des énoncés
« La suite des énoncés est produite par substitution dun nouvel
énoncé à un énoncé antérieurement donné (comme hypothèse ou comme résultat
dune substitution déjà effectuée). Cette substitution seffectue
explicitement en vertu dun énoncé normatif (une définition, un axiome ou
un théorème) qui fonctionne comme règle permettant cette substitution ».
Les
descriptions données par Balacheff, Duval et Egret mettent en évidence une
unité fonctionnelle dans la démonstration qui est le pas de la démonstration,
appelé aussi arc transitif de substitution (ATS), selon les termes de Duval et
Egret. Dans ce pas, un énoncé tiers (règle de substitution), pris dans une théorie
bien déterminée, explique le passage des hypothèses à la conclusion. Ainsi,
la démonstration se structure en une suite de pas (ATS) qui ont tous la même
structure et qui correspondent à une démonstration de longueur minimale, ce
qui lui donne une « forme strictement codifiée ».
Duval
et Egret (1989)
Dans
le schéma ci-dessus, emprunté à Duval et Egret (ibid), il apparaît que lATS
a une structure ternaire et non binaire. En effet, celui-ci comporte trois énoncés
ayant chacun un statut différent. En mathématiques, la règle de substitution
peut ne pas être écrite afin de ne pas alourdir le texte de la démonstration.
Cependant, dans une situation dapprentissage, nous estimons quil est
important que lenseignant marque la place fonctionnelle de cette règle, au
moins oralement. En effet, nous considérons que dans une démonstration « les énoncés sarticulent en raison de leur statut et ce
statut est indépendant de leur contenu » (Duval et Egret, ibid).
Dune situation à une autre, un énoncé peut changer de statut (hypothèse,
conclusion) alors quil garde le même contenu.
Par
ailleurs, dans une situation dapprentissage, il est possible que lélève
interprète, autrement que par une règle de substitution, le passage dune
hypothèse à une conclusion. En effet, lélève interprète, souvent, ce
passage en sappuyant sur des données visuelles fournies par le dessin.
Ainsi, nous considérons que si la structure de la démonstration comme suite
dATS, dans laquelle une règle de substitution explique le passage de
lhypothèse à la conclusion, nest pas perçue par lélève, cela
favoriserait davantage le recours à des démarches de type empirique. De ce
fait, il nous a semblé intéressant détudier si lélève est conscient
de cette structure de la démonstration, et de voir dans ce cas quels sont les
théorèmes explicités et ceux qui ne le sont pas.
La question de décider de la nécessité dexpliciter, dans
une démonstration, certains théorèmes et non dautres peut se poser aussi
chez les enseignants et dans les manuels. Nous nous proposons de rechercher une
réponse à cette dernière question, en étudiant, dans un pas de démonstration,
si lénoncé tiers est explicité ou ne lest pas. Le contrat didactique
joue un rôle dans la détermination du niveau dexplicitation, quil
sagisse du contrat dans les manuels ou celui en classe de mathématiques.
Nous envisageons détudier, dans les manuels et auprès des enseignants et
des élèves, si les règles de substitution sont explicitées ou non, ceci dans
diverses classes de 4ème (3ème française) ayant, a priori, des niveaux différents
et appartenant à plusieurs établissements scolaires. Cela constituera, dans
cette recherche, létude du pôle Explicitation de la règle de
substitution dans une démonstration.
III.1.4 Lheuristique
Dans
la littérature, ce terme renvoie à ce qui sert à la découverte ou ce qui
consiste à faire découvrir ce que lon veut enseigner (Robert, 1993). En
intelligence artificielle, il évoque une méthode de recherche fondée sur
l'approche progressive d'un problème. En psychologie, lheuristique est une règle
d'action applicable à toute situation, qui permet la plupart du temps d'aboutir
plus rapidement à la solution. Elle se distingue de l'algorithme qui est une règle
qui permet d'arriver à la solution, dans tous les cas[2].
De
nombreux travaux de recherche, consacrés à la résolution des problèmes ou à
la démonstration, se sont intéressés à lheuristique. Polya (1967) appelle
heuristique létude des procédures et des méthodes de résolution
des problèmes . Cette définition est reprise et explicitée par
Polya (1980): « Lheuristique est
létude des chemins et moyens de découverte et dinvention; elle étudie
spécialement, dans la résolution des problèmes, ces étapes qui se présentent
souvent et naturellement et qui ont quelque chance de nous rapprocher de la
solution ».
Pour
Pluvinage (1977), il existe des questions qui font peu ou pas appel à
lheuristique, quil appelle automatismes. A lopposé, dautres
questions dans lesquelles les méthodes de résolution ainsi que les notions
mathématiques à faire intervenir sont des objets des recherche ont des
solutions qui relèvent du domaine de lheuristique.
Pour
Glaeser (1976), l'analyse peut être synonyme d'heuristique dans le sens qu'elle
est liée à l'invention imaginative qui exige intuition, talent et fantaisie.
Elle évoque aussi le calcul qui devrait mener sûrement à la solution
(Algorithme). A lanalyse, il oppose la synthèse qui peut être synonyme de
dissimulation de l'heuristique lorsque
la recherche a été menée à bien, il reste à gommer toute allusion à la démarche
qui a servi à trouver la solution et d'éliminer tous les pas inutiles pour
aboutir à un discours aussi concis que possible .
Les
descriptions données ci-dessus par Polya, Pluvinage et Glaeser, définissant
lheuristique, renvoient toutes à la phase de recherche permettant
daboutir à la solution dun problème et liée, selon certains, à
linvention ou à lintuition. Cette phase de recherche retrouve toute son
importance dans lenseignement heuristique apparu, il y a une vingtaine
dannées, aux Etats Unis et au Canada (Paquette, 1980 a). Lenseignant
intervient par des questions incitant lélève à utiliser des éléments de
méthode pour la résolution des problèmes (des heuristiques). Cet enseignement
vise de créer une atmosphère de recherche qui fait revivre à lapprenant,
compte tenu de son niveau de connaissance et de développement intellectuel, un
peu de lactivité du mathématicien (Paquette, 1980 b).
Dans
ce travail, nous projetons détudier, dans la démonstration rédigée par
lélève, des indices qui peuvent renseigner sur cette phase de recherche et
si elle a été faite adéquatement. Cette étude ne pourra pas renseigner sur
tout le travail de recherche de lélève mais sur quelques uns de ses
aspects, repérés à partir de ses traces sur la copie. En effet, comme le précise
Barbin (1996), « Une démonstration indique le bon chemin, bien différent du
cheminement de la recherche. Car la mise en forme déductive efface toute trace
des questionnements, des zones dinstabilité, des tensions qui sont le prélude
au désir et au besoin de démontrer ». Toutefois, comme l'a précisé
Arsac (1996), "On peut penser que
toutes les évidences qui figurent dans le raisonnement final sont intervenues
dans la recherche et même que ce sont les plus solides parmi celles qui ont été
envisagées".
Dans
la démonstration fournie par l'élève, il n'est pas possible d'étudier les
différentes tentatives de résolution qui ont abouti à la solution fournie
(Plan régressif ou travail en arrière selon Polya (op. cit); travail
d'analyse, selon l'appellation des géomètres grecs). La solution sera étudiée
à partir dune démonstration rédigée par l'élève sur la copie (La tâche
complémentaire d'exécution appelée progressive ou travail en avant selon
Polya (ibid); travail de synthèse, selon l'appellation des géomètres grecs)
et pourra nous fournir des indices sur la recherche quil a faite. Par
exemple, il sera possible détudier si un élève connaît les théorèmes de
cours et les mobilise adéquatement dans une démonstration. Lutilisation
dune conclusion comme hypothèse du problème sera un indice renseignant sur
une recherche inadéquate de la solution.
Ces
choix nous amènent à ne pas adopter les appellations Heuristique
et Recherche de la solution car elles ne traduisent pas fidèlement
ce que nous recherchons. Nous désignerons ce pôle détude par Structure
de lenchaînement de la solution . Cette phrase renverra, dans la démonstration
rédigée par lélève, à la structure de la procédure de lélève, de
la ligne d'action qu'il a suivie, le schéma des opérations qui lui ont paru
logiques, pour lui permettre, en partant de l'hypothèse du problème, d'aboutir
à la conclusion. Cette caractérisation rappelle ce que Polya (ibid) définit
comme solution dun problème de démonstration « Une suite dopérations
logiques articulées, une suite détapes, qui part de lhypothèse et finit
à la conclusion désirée du théorème ». Dans létude de ce pôle,
nous exclurons celle des démarches des élèves relatives au dessin. Ce
dernier, sur lequel sappuie, sans doute, la phase heuristique, est étudié
à part et constitue lun des pôles de notre recherche.
Dans
le schéma ci-dessous, nous résumons les différentes recherches sur la démonstration
que nous avons déjà présentées (II. Problématique de la démonstration) et
nous introduisons notre recherche centrée sur les quatre pôles que nous venons
dexpliciter (La formulation mathématique, le dessin, l'explicitation de la règle
de substitution et la structure de l'enchaînement de la solution).
III.2
Problématique de la recherche
Nous
avons explicité les différentes raisons qui nous ont poussé à choisir la démonstration
comme objet détude. Lune des raisons les plus motivantes était le
constat de léchec délèves, que ce soit sur le plan des résultats ou
sur le plan de lassimilation de la notion même (Arsac 1988), et la difficulté
des enseignants à apprendre à leurs élèves, quils considèrent non
doués , à faire correctement des démonstrations. Nous nous sommes
alors posées un ensemble de questions et dhypothèses concernant les
enseignants et les élèves tunisiens que nous allons énumérer dans ce
paragraphe. Une première question générale concernant les enseignants est la
suivante:
Q1P: Comment
les enseignants tunisiens envisagent lenseignement de la démonstration?
Les
manuels et les programmes tunisiens insistent sur la forme de la démonstration
et non sur son sens, et nous considérons quil est peu probable que les
enseignants qui suivent le programme et sont contraints de le terminer dans les
délais fixés pensent à faire le contraire. Ainsi, nous adoptons comme hypothèse
de travail, ce qui suit:
H1P: Les
enseignants tunisiens orientent lenseignement de la démonstration sur sa
forme, comme il est le cas dans les manuels et les programmes.
Cette
première hypothèse nous conduit à nous interroger sur leurs exigences de
forme à propos de lélaboration dune démonstration par un élève de 4ème
(3ème française), niveau scolaire sur lequel sest fait notre choix. Nous
avons trouvé intéressant dessayer didentifier ces exigences à partir de
lévaluation quils font de copies délèves. Cette méthode de travail,
qui na pas été utilisée jusque là dans les recherches sur le problème
denseignement et dapprentissage de la démonstration, présente
lavantage de permettre de mieux cerner les exigences des enseignants par
rapport à une démonstration écrite que celle de lobservation dune séance
de classe. En effet, nous estimons quil y a moins de variables qui
interviennent lorsquil sagit dun enseignant face à une copie délève
quun enseignant face à un groupe délèves, en présence dun
observateur extérieur. Ainsi, nous nous posons cette question plus précise:
Q2P: Quelles
sont les exigences des enseignants de 4ème (équivalent 3ème française) dans
la rédaction dune démonstration par un élève de 4ème?
Nous
considérons que les exigences des enseignants peuvent concerner de nombreux
aspects dans la rédaction dune démonstration, quil est difficile de
prendre en compte, de façon exhaustive. Pour mener à bien notre étude, et en
nous inspirant de différentes étapes délaboration dune démonstration
en géométrie, dans une situation habituelle de classe de mathématique, et de
nombreux travaux de recherche sur la démonstration, nous décidons de
restreindre les caractéristiques étudiées et de nen retenir que quatre. Il
sagit des quatre pôles que nous avons présentés dans la partie théorique
et que nous pouvons repérer dans une démonstration rédigée par lélève:
le dessin, la formulation mathématique, lexplicitation de la règle de
substitution et la structure de lenchaînement de la solution.
Cependant,
si nous admettons que les exigences des enseignants à propos de la démonstration
concernent ces quatre pôles, il nous semble intéressant dessayer
didentifier, parmi ces derniers ceux qui sont plus importants que dautres.
Ainsi, nous nous sommes posées la question suivante à laquelle nous nous
proposons de répondre au cours de ce travail de recherche:
Q3P: Quel
est le degré dexigence relatif à chaque pôle, des enseignants tunisiens?
Les
réponses quenvisage dapporter ce travail de recherche à ces questions
permettra de repérer certains effets du contrat autour de la démonstration.
Dautre part, il nous a semblé important, pour compléter létude du
contrat didactique sétablissant autour de la démonstration, de centrer une
partie de la recherche sur létude des démarches de rédaction délèves
de 4ème tunisienne (3ème française), relatives à un problème de démonstration
en géométrie. Une première question générale sest imposée:
Q1E: Quelles
sont les difficultés que rencontrent les élèves dans la rédaction dune démonstration?
En
nous appuyant sur les travaux de Duval et Egret (1989), nous admettons
lhypothèse de travail suivante:
H1E: Les
difficultés des élèves, dans la rédaction dune démonstration, sont liées
à un manque de connaissance de la structure ternaire dun pas de la démonstration
et de la nature de lélément explicatif dans ce pas.
En
tenant compte de cette hypothèse, nous nous sommes proposées détudier le
type dexplication donné par un élève au passage dune hypothèse à une
conclusion, dans un pas de la démonstration. Pour cela, nous avons crée un
nouveau type dactivité, basé sur la réalisation dun QCM et nous nous
sommes posées la question suivante:
Q2E: Outre
le dessin et les énoncés de cours, quelles sont les sources dans lesquelles
lélève trouve une explication au passage dune hypothèse à une
conclusion, dans un pas de démonstration?
Enfin,
nous espérons que lexpérience que nous envisageons de mener auprès des
enseignants et des élèves permettra dapporter des éléments de réponses
à la question suivante, concernant ces deux pôles du système didactique:
QPE: Est-il
possible de déceler des corrélations entre les exigences des enseignants et
les types de procédures délèves, dans lélaboration dune démonstration?
Nous
signalons que des hypothèses plus fines concernant les enseignants et les élèves
seront émises dans les paragraphes Analyse a priori relatifs
aux chapitres C et D de la thèse.
[1] Une
même proposition peut avoir, dans le cours dun raisonnement, deux
statuts différents: un statut théorique et un statut opératoire. Ce
dernier (prémisse, énoncé-tiers, conclusion) est interne à
lorganisation du pas de raisonnement et est
déterminé par le statut théorique (Hypothèse, axiome, définition, théorème,
conjecture, question) (Duval et Egret, 1993).
[2]
URL: http://tecfa.unige.ch/~tognotti/staf11/espace.html